La Cour de Cassation française a requalifié un contrat de location-gérance du réseau Yves Rocher en contrat de travail. La question se pose de savoir si une telle décision pourrait faire jurisprudence en Belgique.
Par décision du 13 janvier 2010, la Cour de cassation française a  requalifié un contrat de location-gérance du réseau Yves Rocher en  contrat de travail constatant que la locataire-gérante « assurait  l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne « Institut de  beauté Yves Rocher », qui consistait essentiellement à vendre des  produits de beauté que la société Yves Rocher lui fournissait  exclusivement, que les conditions d’exercice de cette activité étaient  définies par le fournisseur et que sa contractante ne pouvait disposer  de la liberté de fixer les prix de vente des marchandises déposées. »
 
 Même si une nouvelle version de contrats de location-gérance a été  élaborée par le franchiseur Yves Rocher, il est à craindre que cette  décision fasse jurisprudence pour les 24 anciennes locataire-gérantes du  réseau Yves Rocher qui ont déjà saisi les Prud’hommes pour obtenir la  requalification de leur contrat en contrat de travail et obtenir des  indemnités considérables (rappels de salaires, heures supplémentaires,  indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ainsi que des  dommages et intérêts).
 
 La question se pose de savoir si une telle situation pourrait se produire en Belgique.
 
 Les juges belges ne sont, à l’instar des juges français, pas liés par  la qualification donnée par les parties à leur contrat et ont également  été amenés, à plusieurs reprises, à requalifier certains contrats en  contrat de travail lorsque l’exécution de ces contrats révélaient  l’existence d’un lien de subordination caractéristique du contrat de  travail.
 
 S’agissant des contrats de franchise, en l’absence d’intervention du  législateur dans ce domaine (sous réserve de la loi sur l’information  précontractuelle mais qui, comme son nom l’indique, ne vise que la phase  précontractuelle de l’accord de partenariat et non le contrat  lui-même), ce sont la doctrine et la jurisprudence qui ont dessiné les  contours du contrat de franchise, les droits et obligations qui en  découlent et les caractéristiques qui permettent de distinguer ce  contrat d’autres types de partenariat.
 
 L’un des éléments essentiels du contrat de franchise est l’assistance  qui doit être assurée par le franchiseur à son franchisé. Cette  assistance peut prendre différentes formes et viser des aspects divers  (formation, aménagement des locaux, système de caisse, présentation des  produits, gestion des stocks et des commandes, comptabilité, publicité,  etc…). 
 
 Toutefois, afin d’éviter une requalification en contrat de travail, il  est primordial de laisser une certaine marge d’initiative au franchiser  afin qu’il reste le maître de son affaire. Son statut ne sera pas remis  en cause s’il bénéficie de toute latitude pour fixer ses conditions de  travail, décider des personnes qu’il embauche ou qu’il licencie et de la  rémunération du personnel ainsi que des prix de vente qu’il pratique.  Par ailleurs, sous réserve de directives plus ou moins précises, c’est  au franchisé que revient le devoir de tenir sa comptabilité, même s’il  est admis que le franchiseur puisse contraindre le franchisé à recourir  aux services d’un comptable agréé par lui.
 
 Ces considérations permettent dès lors de rapprocher les droits belge  et français en présence d’un lien de subordination entre les  cocontractants.
 
 Cependant, encore faut-il relever une différence fondamentale entre les  deux systèmes puisque, contrairement au droit belge, le Code du travail  français étend l’application du droit du travail à certaines catégories  de professionnels qui ne se trouvent pourtant pas dans un véritable  lien de subordination. Ainsi, conformément à l’article L7321-2 du Code  du travail français, des professionnels indépendants peuvent voir le  contrat requalifié en contrat de travail s’ils exercent leur activité  pour le compte d’une seule entreprise dans un local fourni ou agréé par  elle et selon des conditions et des prix également imposés par elle. 
 
 Or, dans le cas Yves Rocher, c’est bien sûr cette disposition  particulière du Code du travail français que la Cour de cassation a  motivé sa décision. La Cour de cassation s’est en effet fondée, non pas  sur un lien de subordination, inexistant au demeurant, mais sur la base  d’un environnement contractuel contraignant caractérisé par l’existence  de conditions et de prix imposés. 
 
 Une telle décision, motivée de la sorte, ne pourrait dès lors pas être  prononcée par un juge belge en l’absence de disposition comparable à cet  article L7321-2 dans notre droit belge.
